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Crise du logement et santé mentale : des organismes québécois appellent « au secours »

Un homme tire une pile de boîtes de carton vides empilées dans le corridor d'un immeuble à appartements.

Le nombre de cas d’évictions de locataires a augmenté de 132 % au Québec en 2023 par rapport aux données de 2022. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Gabrielle Crockett

Rénovictions, menaces d’expulsion, hausse des loyers, habitations insalubres : la crise du logement s’aggrave au Québec et suscite une détresse inédite parmi les locataires, en particulier chez les plus vulnérables, s'alarment des organismes québécois actifs dans les domaines de la santé mentale et du logement.

La situation est devenue à ce point dramatique que, dimanche, des membres du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec et du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec ont organisé une conférence de presse pour tirer la sonnette d’alarme et pour adresser ce message au premier ministre François Legault : Au secours!

Ne pas savoir où tu vas vivre dans les prochaines semaines, parfois dans les prochains jours, tout cela a des conséquences majeures sur la santé mentale, a rappelé Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec.

Des locataires nous contactent avec des projets de suicide très clairs. Ce n’est pas juste un état de désespoir : ils ne voient pas de solution et veulent en finir. Nous en sommes à ce stade, maintenant.

Une citation de Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec
Cédric Dussault en visioconférence.

Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Stress, colère et pensées suicidaires

Cette grande détresse, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec a pu en prendre la mesure en faisant un « coup de sonde » ces dernières semaines auprès de ses membres, de groupes d’entraide et d'organismes actifs en accompagnement thérapeutique, en aide au logement ou encore en insertion socioprofessionnelle.

Ce coup de sonde a fait remonter des témoignages qui font tous état d’un stress aigu chez les locataires. La colère, les idées noires et les sentiments dépressifs se conjuguent à une très grande peur de l’avenir, indique le rapport que le RRASMQ a tiré de son enquête.

Des locataires fragilisés doivent ainsi se résoudre à vivre dans des chambres de motel insalubres à 800 $ par mois, d’autres dans des contextes de colocation problématiques où ils doivent faire face à de la violence et à des relations toxiques, d’autres encore dans des logements infestés de punaises et de moisissure.

Des intervenants sociaux ont même fait savoir qu'ils doivent préparer certaines personnes à l'itinérance.

Un homme transporte un sac poubelle sur son dos dans une rue d'Hochelaga, à Montréal, le 6 mars 2024.

La crise du logement a provoqué une hausse du nombre de personnes en situation d'itinérance.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Des locataires évincés deviennent aussi des itinérants cachés qui squattent les canapés de connaissances, sans stabilité, a témoigné Denis Plante, président du conseil d’administration du Centre de soir Denise-Massé, qui accueillait la conférence de presse.

La crise n’est pas cantonnée à Montréal.

Peter Belland, artiste peintre et président du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, qui souffre lui-même de dépression et qui est en conflit depuis cinq ans avec un propriétaire qui veut l’expulser, a raconté qu’en Estrie, où il habite, certaines personnes vivent dans la forêt.

M. Belland, qui n'a pu qu'observer, impuissant, la hausse fulgurante des loyers dans sa région, consacre 80 % de ses revenus à son logement. Il se nourrit dans les banques alimentaires et ne sait pas ce qu’il fera si on le force à déménager.

L'éviction, pour moi, c’est la fin de mes jours. Tout aussi bien me mettre une balle dans la tête.

Une citation de Peter Belland, artiste peintre et président du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec

L'inaction politique dans la ligne de mire

Le mal-logement mine les efforts que les personnes atteintes de problèmes de santé mentale font pour aller mieux, se désolent ainsi les intervenants sociaux, dont le travail devient de plus en plus difficile, tant ils sont en première ligne pour absorber toute cette souffrance.

Quand on s’adresse au TAL [Tribunal administratif du logement] comme locataire, c’est très limité, ce qu’on reçoit comme soutien, et quand on appelle dans les bureaux de circonscription caquistes, on n'a pas nécessairement de réponse, regrette Cédric Dussault.

En dépit de leur financement limité, les organismes communautaires absorbent ainsi beaucoup de ces situations de désespoir, alors que certains intervenants et intervenantes vivent parfois eux-mêmes des situations difficiles en matière de logement.

Selon le chef d’un service de psychiatrie d’un hôpital montréalais, dont les propos ont été rapportés lors de la conférence de presse, le logement est la principale source de stress en santé mentale chez les personnes prises en charge dans son service.

Pour Anne-Marie Boucher, co-coordonnatrice du RRASMQ, la conclusion est donc claire : On prend en charge, par la psychiatrie, par les services d’urgence, une détresse qui est causée par des conditions de vie, résultat d’une inaction politique pendant des décennies.

Cette détresse-là n’est pas nécessaire : on peut agir dessus.

Une citation de Anne-Marie Boucher, co-coordonnatrice du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec

D’où ce message au premier ministre François Legault et non à Lionel Carmant, le ministre responsable des Services sociaux. C’est lui qui a le leadership pour agir sur cette crise, juge Mme Boucher.

Des mesures pour résoudre la crise

Tant le RRASMQ que le RCLALQ font valoir que des mesures concrètes existent pour résoudre cette crise.

Ils demandent des actions urgentes du gouvernement Legault, notamment l'entrée en vigueur d'un moratoire sur toutes les évictions justifiées par un changement d’affectation, par un agrandissement ou par une subdivision, qui sont souvent utilisés à des fins spéculatives, pour augmenter les loyers.

Ils souhaitent également que tous les projets de reprise de logement fassent l’objet d’un contrôle systématique et d’un suivi par le TAL.

Autres mesures réclamées : un registre provincial des loyers, de même que le plafonnement des hausses annuelles de loyer.

Enfin, ils appellent le gouvernement à construire 50 000 logements sociaux et communautaires au cours des cinq prochaines années.

Sous la houlette du RRASMQ et du RCLALQ, 300 organismes québécois feront paraître une lettre ouverte mardi pour interpeller François Legault à propos de cette crise jumelle de la santé mentale et du logement.

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