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Les risques associés aux terrains synthétiques inquiètent peu au N.-B.

Des gradins d'un stade extérieur devant une piste de course.

Le terrain synthétique du Stade Croix-Bleue Medavie a été construit en 2010 pour accueillir la coupe de monde de soccer féminin. Selon l'Université de Moncton, le choix de surface synthétique s'est imposé pour répondre aux normes de la FIFA. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Face à la pollution dont sont responsables les terrains de sport synthétiques, certains états américains et l’Union européenne ont décidé d’encadrer, voire interdire, leur construction. Au Nouveau-Brunswick, ce dossier semble loin des préoccupations des entités qui gèrent ces infrastructures sportives.

Les terrains de sport synthétiques suscitent la controverse depuis de nombreuses années.

Plusieurs vantent leurs mérites puisqu’ils permettent de prolonger la saison d’athlètes tout en demandant peu d’entretien, ce qui les rend avantageux économiquement.

Un terrain de soccer naturel sur lequel la pelouse manque.

Plusieurs vantent les mérites des terrains synthétiques puisqu'ils nécessitent moins d'entretien que les surfaces naturelles.

Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet

D’autres craignent au contraire que les matières avec lesquelles ces terrains sont fabriqués soient néfastes pour la santé humaine et l’environnement.

Chose certaine, la décision de la Commission européenne en 2023 d’interdire les produits contenant des microplastiques pourrait contribuer à rendre les terrains synthétiques plus écologiques.

Grâce à celle-ci, les granules de caoutchouc que contiennent les terrains de sport synthétiques seront progressivement prohibés au cours des huit prochaines années. L'objectif est de mettre fin à l'accumulation de microplastiques dans l'environnement, ce à quoi participent ces granulés fabriqués à partir de pneus recyclés.

Face aux nouveaux règlements, les fabricants de terrains synthétiques ont déjà commencé à innover pour trouver des matières plus respectueuses de l’environnement.

Certains optent pour un remplissage fabriqué à base de maïs, d’autres pour le liège ou la noix de coco.

Une surface synthétique où plusieurs granules de caoutchouc se sont accumulées en bordure de terrain.

En Europe, il sera interdit d'utiliser des granules de caoutchouc fabriqués à partir de pneus recyclés comme remplissage sur les terrains de sport synthétiques.

Photo : Associated Press / Eric Risberg

S’il va de l’avant, le projet de terrain de soccer synthétique sur lequel planche la Municipalité régionale de Tracadie pourrait être le premier au Nouveau-Brunswick à être conçu avec des matières semblables.

Bien qu’il soit encore dans sa phase embryonnaire, l’un des promoteurs de cette initiative, Marcel Marsh, croit que la question environnementale fera partie de la réflexion.

Le porte-parole de Tracadie, Youssoupha Mbengue, abonde dans le même sens. À l’heure actuelle, les questions de durabilité et d’environnement, on est obligés de les prendre en compte.

Peu d’appétit ailleurs dans la province

Il n’y a pas qu’en Europe où les inquiétudes entourant les terrains synthétiques poussent les instances gouvernementales à agir.

Il y a deux ans, Boston a interdit la construction de nouveaux terrains synthétiques sur son territoire et l’an dernier, l'État du Massachusetts a adopté une loi qui empêche les municipalités et les écoles d’en construire d’autres.

Un terrain de jeu d'enfants dont la surface est fait de pneus recyclés.

En 2022, Boston a interdit la construction de nouveaux terrains de sport et de terrains de jeux synthétiques sur territoire. (Photo d'archives)

Photo : Associated Press / Mike Derer

Les États de New York et du Vermont ont aussi récemment adopté des mesures afin d’interdire l'utilisation de certains produits chimiques qui entrent dans la fabrication de terrains artificiels.

Dans le Grand Moncton, une région qui compte environ une dizaine de ces terrains, il semble y avoir peu d’appétit afin d’encadrer ces infrastructures sportives.

Invitées à s’exprimer sur la question, les villes de Dieppe et de Moncton ont rappelé qu’il n’existe aucune réglementation fédérale qui encadre ou proscrit les terrains synthétiques.

Selon une porte-parole de Dieppe, le terrain multisport [à l’École Mathieu-Martin] a été construit avec des produits disponibles et utilisés à travers le pays. Santé Canada n’a formulé aucune restriction quant à leur utilisation.

De nombreuses études ont montré que les bénéfices des terrains synthétiques dépassent les risques possibles, ajoute-t-elle.

Des nombreuses incertitudes

Dans une analyse de l’impact des terrains synthétiques sur la santé produite en 2015, la Santé publique de Toronto reconnaissait en effet que les avantages liés à l'augmentation de l'activité physique sur les terrains devraient l'emporter sur les risques liés à l'exposition aux substances toxiques.

Néanmoins, l’agence municipale reconnaissait que des incertitudes demeurent quant aux effets de l'exposition à des substances présentes dans le gazon artificiel, notamment divers métaux, dont le plomb, et des produits chimiques.

Selon l’analyse, on ne devrait pas s’attendre à ce que l’exposition à ces contaminants pose un risque significatif à la santé humaine, à condition que les utilisateurs de ces surfaces se lavent les mains à la suite d’un match, évitent de manger sur le terrain et s’assurent d’enlever les granules et les poussières de caoutchouc de leurs chaussures et leurs vêtements avant de rentrer à la maison.

Une main dont les bouts des doigts sont noirs est posée sur un gazon synthétique.

Les terrains synthétique laissent souvent des traces noires sur la peau des joueurs. Dans une analyse publiée en 2015, la Santé publique de Toronto estimait qu'il fallait se laver les mains à la suite d'un match pour minimiser les risques de cette exposition. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-François Fortier

Les fabricants des terrains synthétiques disent eux aussi depuis des années que ces surfaces sont sans danger.

Une spécialiste des impacts des plastiques sur la santé reproductive des femmes interrogée par Radio-Canada croit toutefois qu’il faut adopter une approche plus prudente.

D’abord parce que de nombreuses études ont déjà montré que l’on retrouve dans l’eau dans laquelle des granules de caoutchouc de terrains synthétiques ont baigné divers agents cancérigènes, des neurotoxines et des perturbateurs endocriniens.

C’est très bien documenté que ces produits chimiques, qui ont toute une série d’impacts négatifs [dans d'autres contextes], sont là, explique Genoa Warner, qui est professeure au département de chimie et de science environnementale de la New Jersey Institute of Technology.

Même si elle dit être inquiète par les potentiels risques posés par les terrains synthétiques, Miriam Diamond, professeure au Département des sciences physiques et environnementales de l'Université de Toronto, rappelle qu'il y a beaucoup de choses dans notre environnement qui peuvent être toxiques sans que nous soyons exposés à un niveau suffisamment élevés pour qu'elles soient un problème pour la santé.

Davantage d'études s'imposent toutefois, ajoute-t-elle.

Genoa Warner est d'accord. Même si les recherches menées à ce jour n’ont pas démontré de lien avéré entre les terrains synthétiques et de graves problèmes de santé, elle souligne que la plupart des analyses qui se sont intéressées à la question portaient sur le cancer.

Pour en avoir le cœur net, il faudra plus de recherche, dit la spécialiste qui mène aujourd’hui des études afin de comprendre l’impact de ces produits sur la fertilité chez les femmes.

S’il s’avère que les produits chimiques de ces terrains n’ont pas d’impact immédiat sur la santé des athlètes, leur accumulation dans l’environnement pourrait s’avérer problématique, prévient-elle.

Des impacts écologiques

Plusieurs études suggèrent que de nombreux organismes vivants peuvent être affectés par les composantes chimiques des terrains.

Selon une recherche menée par une équipe de l’Université Oregon State, il n’y a pas que la composition chimique des granules qui pose problème. D’après ces travaux, qui n’ont pas encore été publiés, les poussières produites lorsqu’elles se dégradent sont toxiques pour des poissons zèbres, notamment.

Les impacts sont différents en fonction de leur taille, explique Stacey Harper, qui est professeur au Collège d’ingénierie chimique, biologique et environnementale de l’Université Oregon State.

Stacey Harper.

Stacey Harper s'intéresse à l'impact qu'on de très petites particules issues de la dégradation de granules de caoutchouc dans l'environnement.

Photo : Gracieuseté : Stacey Harper

Depuis que les pneus sont recyclés afin d’en faire des granules de caoutchouc, ce genre de particules sont retrouvées partout dans l’environnement.

Ces granules, en raison de leur grosseur, produisent beaucoup plus de petites particules que les pneus eux-mêmes puisqu’elles se dégradent plus rapidement et on ne les voit plus tellement elles sont petites, précise Stacey Harper.

Au cours des prochaines années, il faudra s’intéresser à leur impact sur la santé humaine, chose que les instances réglementaires américaines commencent à faire.

Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur leur effet pour l’instant. Or, c’est quand elles sont d’aussi petite taille qu'elles deviennent potentiellement plus dangereuses puisqu’elles peuvent alors se rendre dans des endroits du corps qui ne sont pas habituellement accessibles, notamment dans les cellules, dit Mme Harper.

Une femme tient une bouteille avec des granules de caoutchouc.

En 2019, des citoyens de Vancouver, dont Janet Brown, ont demandé à la ville d'intervenir après que du plomb a été découvert sur l'un des terrains synthétiques de la municipalité.

Photo : maggie macpherson/cbc / Maggie MacPherson

Selon elle, les résultats de ces recherches permettront aux décideurs de faire des choix plus éclairés lorsque vient le temps d’encadrer les terrains synthétiques. D’ici à ce que des réponses claires soient offertes, elle croit toutefois que les municipalités devraient opter pour des alternatives plus naturelles.

Soccer Nouveau-Brunswick et le gouvernement provincial n’ont pas donné suite à notre demande d'entrevue.

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